Chronique d’un naufrage. Tragédie en trois actes.

Publié le par Ampangarivo

       L’île de Mayotte traverse en ce moment une période particulièrement sombre et difficile: il y a eu la fermeture du CNAM, la crise dans le BTP avec ses licenciements à la chaîne, le dépôt de bilan du comité départemental du tourisme, le déficit abyssal dans les finances du conseil général, etc…

Et le phénomène ne fait malheureusement que commencer. D’aucuns diront qu’il s’agit là des ondes de choc de la crise  mondiale. Et ils auront raison, mais en partie seulement. La crise mondiale n’épargne en effet aucun pays, ni aucun territoire. Mais à Mayotte la crise a trouvé un terreau fertile pour sévir sur le long terme.

         Depuis environ deux ans, bien avant le début de la crise, l’île accumule et cultive les handicaps. Ce constat peut paraître paradoxal dans la mesure où le statut de département, tant convoité durant des décennies, est quasiment acquis.  Le statut de département devait « ramener l’équilibre dans la force  ainsi qu’un bonheur durable dans la galaxie. »

Alors pourquoi ce  pessimisme soudain ?

       Osons le mot et disons le clairement, il s’agit d’une question de personnes. Avec le recul, nous pouvons affirmer que les Mahorais n’ont pas placé les bons dirigeants aux bons endroits, « the right man at the right place », comme disent les anglo-saxons. Tout le monde sait que les dirigeants qui tiennent actuellement les rênes du territoire ont été « désignés » à Tsingoni. Alors quelques questions  essentielles méritent d’être soulevées pour comprendre la bérézina généralisée: quels sont ces fameux « accords de Tsingoni ? » Quelles conséquences en ont découlé pour les institutions et établissements publics de Mayotte ? Comment expliquer la mise sous tutelle imminente du Conseil Général ?

 

Dans un cheminement en trois actes tentons une esquisse de réponses.

 

 Acte 1- Les accords de Tsingoni : la prime à la médiocrité !

 

         Au commencement nous avons dit, il y a les accords de Tsingoni. De quoi s’agit-il au juste? Au lendemain des dernières élections cantonales des 9 et 16 mars 2008 pour le renouvellement partiel de l’assemblée départementale, des tractations d’arrière cuisine se sont tenues à Tsingoni pour dessiner le visage de la future assemblée.

 

« L’homme de l’ombre....»

 

Les négociations ont eu lieu sous la houlette de Monsieur Zoubert ADINANI, et sous le toit de ce dernier.

 



      Avec l’ancien sénateur Marcel HENRY, l’un des sénateurs actuels Adrien GIRAUD, Zoubert ADINANI est l’une des dernières figures emblématiques encore vivantes du sacro-saint combat pour « Mayotte française ». Au mois de mars 2008, après une vie politique intense, Monsieur Zoubert ADINANI coulait une retraite paisible chez lui à Tsingoni. Le bonhomme avait en effet derrière lui plusieurs mandats de maire de Tsingoni (de 1977 à 2005) et plusieurs mandats de président du SMIAM (20 ans !), le syndicat mixte d’investissement et d’aménagement de Mayotte qui a en charge principalement la construction des établissements scolaires et des équipements sportifs de Mayotte.

 

         Monsieur Zoubert ADINANI est un notable de profession et de conviction. Il a toujours bien su marier la religion à la politique. Et dans une société mahoraise archaïque, il a surtout excellé dans l’art subtil de manier la religion et la politique.  Usant et abusant des deux, ce dernier n’a jamais hésité à faire appel, au besoin, à la religion pour légitimer sa position politique, et inversement, c'est-à-dire faire jouer sa position politique pour imposer ses points de vue devant les dignitaires religieux. En 2007 par exemple, il a réussi à se faire « élire » président du CREMM, le conseil représentatif des musulmans de Mayotte.

 

Une rumeur persistante insinue que ses mandats à la tête du SMIAM auraient été assez sulfureux. Le bonhomme aurait plutôt eu tendance à confondre les biens publics avec ses biens personnels.

 

Monsieur Zoubert ADINANI est avant tout un homme de pouvoir et surtout une redoutable bête politique.

 

Durant les seconds tours des élections cantonales de mars 2008, tel Zorro chevauchant Torrnado sa majestueuse monture noire et brandissant l’épée dans le crépuscule, il décida de reprendre du service pour sauver Mayotte.

 

TSO : tout sauf Oili...

 

        Les élections de mars 2008 revêtaient, il faut le rappeler, une importance cruciale puisqu’il appartenait au président de la future assemblée de saisir le Président de la république pour ériger Mayotte en département d’outre-mer, comme le prévoyait la loi DSIOM de février 2007.

 

L’objectif affiché était d’écarter à tout prix Saïd OMAR OILI, le premier président de la décentralisation, de la tête du Conseil général. Saïd OMAR OILI était accusé à l’époque de « haute trahison » puisque ses convictions départementalistes paraissaient plutôt poreuses aux yeux des départementalistes purs et durs. S2O, comme on le surnomme, avait commis le crime suprême d’affirmer que « la départementalisation ne constituait pas une fin en soi ». L’important était plutôt de développer Mayotte quelque soit le statut qui permettait d’y parvenir.

Le 09 mars 2008, S2O ayant été élu dès le premier tour dans son canton à plus de 62%, il fallait lui barrer la route de la présidence du conseil général de Mayotte.

 

L’union sacrée pour, soi disant, « sauver le combat pour la départementalisation de Mayotte » a alors été décrétée.

 



        Les défaites cuisantes et « cataclysmiques » de certains ténors du paysage politique local avaient ouvert un boulevard inespéré à Zoubert ADINANI pour dicter sa loi. Excepté Soidderdine Madi, conseiller général d’Acoua, tous les sortants ont été balayés. En effet,  parmi ceux-ci figuraient entre autres Maoulida SOULA, porte-parole de l’UMP et président de l’opposition au conseil général, battu dans son canton de Dembéni par Sarah MOUHOUSSOUNE, candidate du NEMA, le nouveau parti politique créé par Saïd OMAR OILI ; Dehors, Chihabboudine ben Youssouf, conseiller général de Mamoudzou 2, vieux briscard de la vie politique locale ; Exit Bacar Ali Boto, conseiller général de Mamoudzou 1 et accessoirement alors 1er vice-président du conseil général ; A la retraite Ali Abdallah, conseiller général de Mamoudzou 3, alors 3ème vice-président de l’assemblée et doyen en mandat des élus de l’assemblée ; et surtout Mansour KAMARDINE, ex-député de Mayotte et conseiller général de Sada, K-O debout !

 

 

 

« La revanche des sous doués… »

 

       Ont pu alors sortir de l’ombre des hommes aux ego et ambitions démesurés, souvent totalement inconnus du grand public, tels que Mr Ahamed ATTOUMANI DOUCHINA, ou surtout Mr M’hamadi ABDOU et Mr Ahamada Madi CHANFI. Mais là ne situent pas leurs grands défauts.

 

En 2008, ces derniers n’étaient pas concernés par le renouvellement de l’hémicycle du conseil général, et étaient déjà élus respectivement conseiller général du canton de Kani-kéli, conseiller général de Bandraboua et conseiller général de Mtsangamouji.

 

            Après moult tractations réunissant les élus de la nouvelle assemblée du conseil général, c'est-à-dire pour la plupart des hommes fraîchement arrivés aux affaires, des illustres inconnus sans envergures, Zoubert ADINANI a effectué la distribution des cartes et des postes.

 

Pour calmer les successibilités des uns et des autres, chaque parti politique s’est vu attribué la gestion d’un établissement public ou d’une institution importante de Mayotte.

 

Sans revenir sur tous les détails de ces marchandages  parfois très puérils, retenons les résultas et points principaux :

 
Pour le MDM (mouvement départementaliste mahorais), 3 postes de vice-président et les présidences du comité départemental du Tourisme et du centre de gestion, répartis entre trois élus :

 

 

-          en même temps que le fauteuil de 1er Vice-Président du Conseil général, Mr M’hamadi ABDOU est désigné pour prendre la présidence du centre de gestion de Mayotte, institution qui a vocation à assister et conseiller les communes et autres collectivités de Mayotte la gestion des affaires quotidiennes.

-          Mr Ahamada Madi CHANFI a hérité du poste de Président du comité départemental de tourisme de Mayotte, en plus du siège de 2ème vice-président du conseil général.

-          Mr Mirhane Ousséni, fraîchement élu conseiller général de Bouéni est choisi pour le poste de 4ème Vice-Président du Conseil général

 

Pour l’UMP (ou apparenté), deux postes de vice-président et surtout le poste de Président du Conseil Général. « The winners are » :

 




-         
Mr Ahamed ATTOUMANI DOUCHINA est désigné pour le poste de Président du Conseil général de Mayotte. Il faut souligner que celui-ci est plutôt un membre dissident de l’UMP. La rivalité fratricide qui l’oppose à Mansour Kamardine n’est un secret pour personne dans l’île. Les deux hommes se détestent copieusement et ne se parlent plus depuis l’année 2007, quand DOUCHINA a présenté une candidature dissidente contre Mansour aux législatives.

 

 

Dans la logique de ceux qui tiraient les ficelles à Tsingoni, il fallait placer un élu UMP à la tête du conseil général pour faciliter les contacts et les discussions avec le Président UMP Nicolas SARKOZY ainsi que son gouvernement de droite. Mr DOUCHINA a paru le candidat le plus crédible pour jouer ce rôle.

 

Pour compléter ce que ses propres membres appelleront eux-mêmes plus tard le « bureau du conseil général »,

-          Mr Hadadi ANDJILANI, conseiller général de Ouangani, est nommé 3ème Vice-Président, en charge de la très importante commission des finances, et

-          Mr Assani ALI, plus connu pour ses exploits sur les plateaux de hand-ball, hérite du fauteuil de 5ème vice-président.

 

       Ce casting très improbable en avait surpris plus d’un sur l’île, notamment en ce qui concerne la répartition des postes de vice-président. Quelques murmures de protestation avaient fusé de ci par de là dans les cercles des gens avertis.

Cependant aucune prise de position franche et tranchée n’avait osé publiquement remettre en cause cette répartition des postes, à cause des échéances sur le statut de l’île qui approchaient à grand pas.

 

Deux ans plus tard, le journal Upanga, dans son édition n°7 du 14 août 2009, rapporte une des critiques que l’on pouvait déjà entendre à l’époque : « les choix de l’homme de l’ombre (Zoubert ADINANI, ndlr) ne relevaient pas que de l’altruisme. »  Des sources politiques citées par le même journal affirment : « Il veut être sénateur. Il ne voulait pas créer d’animal politique capable de le rivaliser ».

 

Le décor était planté, les acteurs choisis, les rôles répartis, la véritable tragédie pouvait commencer !

 

 

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N
<br /> Hello,<br /> Je vous rend visite afin de vous montrer une créa concernant le nouveau venu en rallye Kimi Räikkönen<br /> http://www.nicolaslizier.com/article-creation-nicolas-kimi-raikkonen-wrc-49215338.html<br /> <br /> http://www.nicolaslizier.com/albums.html<br /> <br /> Bonne journée<br /> Nicolas<br /> Graphiste<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Article très intéressant, résumant le scénario actuel...mais manifestement outrepassant toutes obligations d'un agent envers son employeur.<br /> Comme disait l'Américain, "pour insulter un noir, il faut écrire".<br /> Je pense avec certitude que l'exécutif local ignore les règles en matière de droit de la fonction publique.<br /> <br /> Bonne continuation et bon courage<br /> <br /> PS: Au moins les expatriés arrivent à s'informer<br /> <br /> <br />
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